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Contrats publics de construction : un nouveau régime qui change les règles du jeu

Sep. 2025
  • Publications
  • Droit de la construction

Le 8 septembre 2025 marque une étape importante pour l’industrie de la construction au Québec avec l’entrée en vigueur du Règlement sur les paiements et le règlement rapides des différends en matière de travaux de construction (ci‑après le « règlement »). Ce dernier s’inscrit dans une volonté de réduire les délais de paiement qui fragilisaient la situation financière des entrepreneurs et des sous-traitants, tout en introduisant un mécanisme plus structuré et rapide de résolution des litiges.

À qui s’adresse ce nouveau régime?

Le règlement s’applique à l’ensemble de la chaîne contractuelle d’une partie des projets de construction publics : organismes publics, entrepreneurs généraux, sous-traitants de tous niveaux, ainsi que certains prestataires de services lorsque ceux-ci sont intégrés à un contrat mixte (par exemple, services professionnels combinés à des travaux de construction ou contrats visant l’amélioration de l’efficacité énergétique).

En revanche, certains contrats échappent expressément au champ d’application, notamment :

  • les contrats d’urgence liés à la sécurité des personnes ou des biens;
  • les contrats conclus dans le cadre des activités internationales du Québec (délégations, représentations à l’étranger);
  • les réclamations pécuniaires portant uniquement sur la perte de profits, de productivité ou d’occasions d’affaires.

À compter du 8 septembre 2026, il s’appliquera aux contrats de bâtiments entre 75 000 $ et 750 000 $, ainsi qu’aux contrats de génie civil entre 675 000 $ et 2 500 000 $. Puis, à partir du 8 septembre 2027, il s’appliquera également aux contrats de plus faible valeur (bâtiments de moins de 75 000 $ et génie civil de moins de 675 000 $).

Un encadrement strict des paiements

Le cœur du règlement repose sur la normalisation des demandes de paiement et des délais pour acquitter celles-ci.

Les demandes doivent désormais être transmises à des dates fixes :

  • l’entrepreneur partie au contrat public doit transmettre sa demande le 1er jour du mois;
  • le sous-traitant doit la transmettre, au plus tard, le 25e jour du mois.

Chaque demande doit comporter des renseignements précis, dont : une description détaillée des travaux exécutés, les périodes associées, la ventilation du montant réclamé et les coordonnées d’un représentant autorisé. Les sous‑traitants ont également la possibilité d’inclure des travaux projetés d’ici la fin du mois, ce qui permet d’accélérer les flux financiers.

Les délais de paiement sont eux aussi encadrés, et devront être effectués dans les délais suivants :

  • Organismes publics (envers l’entrepreneur général) : au plus tard le dernier jour du mois de réception de la demande;
  • Entrepreneurs généraux (envers les sous-traitants) : au plus tard le 5e jour du deuxième mois de réception de la demande;
  • Sous-traitants directs (envers les sous-sous-traitants) : au plus tard le 10jour du deuxième mois de réception de la demande.

Lorsque la chaîne de sous-traitance comporte plusieurs niveaux, un délai additionnel de cinq jours s’ajoute pour chaque niveau supplémentaire. En cas de retard, les sommes portent intérêt au taux le plus élevé entre le taux légal et celui prévu au contrat.

Le refus de paiement : un formalisme obligatoire

Un débiteur qui entend refuser en tout ou en partie une réclamation doit transmettre un avis écrit respectant des délais stricts :

  • l’organisme public dispose jusqu’au 21e jour du mois;
  • l’entrepreneur général, jusqu’au dernier jour du mois;
  • le sous-traitant, jusqu’à la veille de la transmission de sa propre demande de paiement.

Cet avis doit préciser la portion de la réclamation refusée, la description des travaux ou des dépenses visés, ainsi que les motifs de refus invoqués, lesquels doivent être suffisamment détaillés pour permettre au créancier de comprendre la décision.

Déductions et retenues : un régime balisé

Le règlement encadre également les pratiques de déduction et de retenue.

En ce qui concerne les paiements dus aux sous-traitants, un entrepreneur peut déduire un montant équivalent à la somme qu’un sous-traitant lui a réclamée pour des travaux ayant fait l’objet d’un avis de refus émis par un autre débiteur de la chaîne contractuelle, à condition que l’entrepreneur ait préalablement transmis une copie de l’avis de refus sur lequel est fondée la déduction.

Les organismes publics et les entrepreneurs peuvent également déduire des paiements, une pénalité applicable prévue au contrat.

Au surplus, l’organisme public peut notamment :

  • retenir jusqu’à 10 % du montant dû afin de garantir l’exécution du contrat, à condition que le contrat prévoie expressément cette faculté;
  • retenir des sommes suffisantes pour couvrir des vices apparents, des malfaçons ou encore des dommages causés à l’ouvrage, sauf si l’entrepreneur fournit une sûreté équivalente;
  • retenir des sommes afin de s’assurer que les créances des sous-traitants (ou celles d’autres personnes pouvant invoquer une hypothèque légale) soient acquittées;

Enfin, un entrepreneur partie à un sous-contrat public peut retenir en tout ou en partie une somme d’argent payable à son créancier selon les conditions convenues par écrit entre les parties, sauf si celle-ci fait double-emploi avec une retenue exercée par l’organisme public.

Un mécanisme rapide de règlement des différends

L’une des nouveautés réside dans la mise en place d’un processus accéléré de règlement des différends par un tiers décideur indépendant.

De manière générale, ce recours s’applique aux litiges portant, par exemple, sur la validité d’une demande de paiement, la conformité d’un refus, l’évaluation de la valeur d’un changement à la portée des travaux, ou encore l’exigibilité d’une somme.

Une partie dispose d’un délai de 90 jours pour notifier une demande d’intervention à un tiers décideur. Ce délai court à compter de l’acceptation de l’ouvrage par l’organisme public, soit dès son acceptation sans réserve, soit, en cas d’acceptation avec réserve, à partir du moment où l’organisme public confirme que les réparations ou corrections ont été complétées à sa satisfaction.

La condamnation monétaire doit être payée dans un délai de 20 jours suivant la notification de la décision, et le créancier qui agit comme entrepreneur général a l’obligation d’informer rapidement ses sous-traitants du montant et de la part qui leur revient.

Fait notable : pour garantir la célérité et la simplicité du processus, la représentation par avocat est exclue des audiences devant le tiers décideur.

Application progressive

Comme abordé précédemment, le règlement est entré en vigueur le 8 septembre 2025, mais en pratique, ce dernier s’appliquera à compter du :

  • 8 septembre 2026, pour les contrats de bâtiments de 75 000 $ à 750 000 $ et les contrats de génie civil de 675 000 $ à 2 500 000 $;
  • 8 septembre 2027, pour les contrats de moindre valeur (bâtiments de moins de 75 000 $ et génie civil de moins de 675 000 $).

Les contrats déjà en cours ou issus d’appels d’offres publiés avant l’entrée en vigueur ne sont pas visés.

Conclusion

Ce nouveau règlement marque une évolution significative pour l’industrie de la construction publique au Québec. En fixant des délais clairs, en balisant les mécanismes de refus et en instaurant un processus accéléré de règlement des différends, il vise à assurer une meilleure prévisibilité financière aux entreprises, à limiter les sources de conflits contractuels, mais surtout, à accélérer les paiements.

Il reste à voir si son application se traduira par l’efficacité annoncée, mais une chose apparaît d’ores et déjà certaine : l’époque où l’attente prolongée des paiements constituait une réalité inévitable pour les entrepreneurs et sous-traitants est appelée à disparaître.

Cette première étape pourrait donc, à terme, ouvrir la voie à une application généralisée du règlement à la majorité des projets publics.

Avis juridique

Le présent article est fourni uniquement à titre informatif et général. Il ne constitue pas un avis juridique de notre cabinet et ne peut en aucun cas engager la responsabilité de PFD et ne saurait se substituer à une consultation personnalisée auprès d’un professionnel du droit.

Notre équipe accompagne déjà plusieurs parties prenantes de l’industrie dans la préparation à ces changements. Pour en savoir plus ou discuter de la mise en application de ce nouveau mécanisme, vous pouvez communiquer avec Me Julien Sauvé par courriel j.sauve@pfdavocats.com.