- Publications
- Droit municipal
Le pouvoir des municipalités en matière d’environnement est indéniable. Pensons notamment aux articles 4 et 19 de la Loi sur les compétences municipales (RLRQ c. C‑47.1). Ce rôle est particulièrement important en ce qui concerne la protection des rives ainsi que du littoral et la réglementation municipale est généralement sévère par rapport aux utilisations possibles de ces endroits. Cependant, certains citoyens refusent de s’y conformer.
De quelle façon pouvez-vous faire appliquer cette réglementation et quels sont vos recours en cas de contravention? Qu’en est-il de l’argument de droits acquis? Ce sont les questions auxquelles nous répondrons dans la présente chronique.
Avant de débuter, nous devons formuler une mise en garde relativement au Règlement concernant la mise en œuvre provisoire des modifications apportées par le chapitre 7 des lois de 2021 en matière de gestion des risques liés aux inondations (ci-après « Décret 1596-2021 »). Ce texte n’a pas pour but de procéder à une étude exhaustive de ces articles. Cependant, nous souhaitons vous rappeler que la réglementation en matière des rives et du littoral doit être appliquée en prenant en compte les dispositions du Décret 1596-2021, notamment les articles 6 à 8.
Tout d’abord, nous vous présentons trois types de recours qui pourraient s’appliquer en matière de protection des rives et du littoral. Premièrement, un recours à la Cour supérieure en vertu de l’article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (RLRQ c. A-19.1) (ci-après « LAU ») est possible dans la mesure où le citoyen contrevient à une disposition du règlement de zonage. Le simple fait d’avoir effectué des travaux sans autorisation municipale dans la rive ou le littoral ne permet pas à la municipalité d’entreprendre ce recours. Celui-ci permettra à la municipalité d’obtenir une remise en état des lieux et même la démolition de tout aménagement construit illégalement dans la rive ou le littoral.
Deuxièmement, la municipalité peut opter pour donner un constat d’infraction. Cette option est simple et abordable, mais ne permet pas nécessairement de remédier à la situation dérogatoire. Cette option sera celle à préconiser si l’infraction reprochée est celle d’avoir effectué des travaux dans la rive ou le littoral sans autorisation municipale, surtout si les travaux étaient permis en vertu de la réglementation.
Troisièmement, la municipalité peut assortir le constat d’infraction d’un préavis d’ordonnance. Dans ce cas, si le citoyen est reconnu coupable de l’infraction, la municipalité pourra demander à la cour que des ordonnances soient rendues. Celles-ci seraient rendues en vertu de l’article 29 de la Loi sur les cours municipales (RLRQ c. C‑72.01) et non en vertu de la Loi sur les compétences municipales puisqu’il ne s’agit pas de nuisance[1] ou d’insalubrité[2].
En vertu de ce pouvoir, le juge de la cour municipale peut accorder « toute mesure utile pour la mise à effet d’un règlement […], à l’exception d’une mesure visant la démolition d’un immeuble[3] ». Le terme « immeuble » doit être interprété de façon large et il ne vise pas uniquement les bâtiments, mais aussi les constructions et ouvrages qui font partie intégrante du fond de terre[4]. Par exemple, le juge de la cour municipale ne pourrait pas exiger le retrait d’une clôture qui a été installée illégalement dans la rive et dont les poteaux sont plantés dans le sol avec du béton. Il faudrait alors se tourner vers le recours en vertu de l’article 227 LAU pour obtenir l’enlèvement de cette clôture ou il faudrait délivrer un constat d’infraction sans demande d’ordonnance.
Concernant les arbres, la Cour supérieure, dans l’affaire Ville de Laval c. Giguère[5], a confirmé la possibilité de demander à titre d’ordonnance à la cour municipale le remplacement d’un arbre abattu, et ce, en vertu de l’article 29 de la Loi sur les cours municipales. Dans ce dossier, la demande d’ordonnance accompagnait un constat dont l’infraction était d’avoir omis de remplacer un arbre[6]. Il serait donc possible, selon nous, d’exiger, par l’entremise d’une demande d’ordonnance formulée à la cour municipale, la renaturalisation d’une rive qui ne serait plus à l’état naturel.
Afin de déterminer le ou les recours possibles, il faut déterminer la ou les contraventions à la réglementation. Comme expliqué précédemment, certaines contraventions ne donnent pas ouverture à tous les recours. Dans certains cas, plusieurs contraventions peuvent avoir été commises pour la même situation. Si la municipalité opte pour le constat d’infraction avec une demande de préavis d’ordonnance, il est alors important de bien choisir l’infraction qui sera reprochée au citoyen. En effet, seules les ordonnances pouvant être rattachées à l’infraction pourront être demandées[7]. Par exemple, si l’infraction reprochée est d’avoir réalisé des travaux dans la rive sans certificat d’autorisation, il ne sera pas possible de demander une ordonnance pour remettre les lieux à leur état initial. Pour ce faire, la réglementation devra prévoir la remise en état des lieux et l’infraction devra plutôt être celle d’avoir omis d’effectuer les travaux correctifs.
Enfin, certains citoyens aux prises avec une situation dérogatoire en matière de rive et littoral pourraient faire valoir, à titre de moyen de défense, l’existence de droits acquis. Cet argument sera recevable dans le cas de constructions érigées en conformité avec la réglementation qui était en vigueur lors des travaux. Par exemple, un bâtiment principal construit avant l’entrée en vigueur des premiers règlements d’urbanisme et qui se situe en partie dans la rive bénéficiera de droits acquis.
Dans le cas où le bâtiment serait entièrement démoli par le propriétaire et que celui-ci serait reconstruit au même endroit, il faudrait étudier attentivement la réglementation en matière des droits acquis puisque les dispositions diffèrent selon les municipalités[8].
Pour ce qui est des exigences de ne pas couper la végétation dans la rive ou celle de revégétaliser une bande de terre située dans la rive, l’argument des droits acquis ne devrait pas être maintenu par les tribunaux. Ceux-ci ont jugé que l’exigence de renaturaliser une partie ou la totalité de la rive était légale et qu’elle ne supprimait pas toute utilisation raisonnable de cette partie de leur propriété[9]. Il sera toutefois important d’autoriser une ouverture dans la rive afin de permettre au propriétaire d’accéder à l’étendue d’eau.
Pour conclure, des recours efficaces s’offrent aux municipalités pour appliquer les dispositions réglementaires en matière de protection des rives et du littoral. Il est important de bien cerner les contraventions afin de choisir le recours en conséquence. Une application rigoureuse de ces dispositions permettra de protéger davantage les lacs et cours d’eau. Elle enverra aussi un message clair aux récalcitrants.
[1] Art. 60 de la Loi sur les compétences municipales.
[2] Art. 56 de la Loi sur les compétences municipales.
[3] Art. 29 de la Loi sur les cours municipales; À ce sujet, voir les décisions Recycle Gypse Québec inc. c. Ville de Delson, 2022 QCCS 4069 (permission d’appel rejetée, 2022 QCCA 1671 et Sainte-Sophie (Municipalité de) c. Faubert, 2016 QCCM 154.
[4] Art. 900 du Code civil du Québec.
[5] 2021 QCCS 3200.
[6] Nous devons toutefois souligner qu’il demeure un débat latent concernant la constitutionnalité de l’article 29 de la Loi sur les cours municipales, comme mentionné dans l’affaire Ville de Laval c. Giguère. Ce débat n’a pas eu lieu à ce jour. Dans l’intervalle, celui-ci demeure valide et les municipalités peuvent continuer à présenter des demandes d’ordonnance devant les cours municipales.
[7] Ville de Laval c. Giguère, 2021 QCCS 3200, paragr. 99.
[8] Art. 118, al. 1 (3) LAU.
[9] Wallot c. Québec (Ville de), 2011 QCCA 1165, paragr. 51 à 56.
Publications connexes
- Publications
- Publications
- Publications
- Publications
- Publications
- Publications
- Publications
- Publications