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L’importance d’exiger tous les documents pertinents avant d’émettre un permis de construction

Oct. 2019
  • Publications
  • Droit municipal

Le 25 juin 2019, la Cour supérieure rend la décision Stevens c. Holweger. Elle réitère alors l’importance d’obtenir toutes les informations pertinentes avant d’émettre un permis de construction.

Mme Stevens est propriétaire d’une maison de style victorienne qui est mitoyenne à celle de M. Holweger et Mme Jacob. Ces derniers souhaitent construire un agrandissement de trois étages à l’arrière du bâtiment et ils déposent une demande de permis de construction à cet effet.

Le 25 mars 2015, la Ville de Montréal (ci-après : « Ville ») émet un permis de construction permettant de construire un agrandissement de deux étages derrière le bâtiment, la réglementation municipale permettant un maximum de deux étages.

Mme Stevens prétend que ce n’est pas la construction de deux étages qui a été autorisée, mais bien la construction de trois étages. La Ville suspend brièvement les travaux en raison de l’empiètement de la fondation sur la propriété voisine, mais ceux-ci vont se poursuivre jusqu’à leur achèvement.

Plusieurs questions sont abordées par la Cour dans cette affaire, dont celle à savoir si l’agrandissement comprend deux étages et un sous-sol ou trois étages. Précisons qu’il y a déjà un sous-sol dans le bâtiment. La Ville retient la première interprétation. La Cour conclut plutôt que la construction comprend trois étages. Par ailleurs, la hauteur totale du bâtiment respecte, quant à elle, la réglementation municipale. Ce qui nous intéresse particulièrement dans cette affaire est l’évaluation du travail, par la Cour, des fonctionnaires de la Ville lors de l’analyse de la demande de permis de construction.

En effet, il est démontré, lors du procès, que la Ville n’a reçu aucun document établissant les mesures d’élévation de l’agrandissement. Elle n’avait pas de certificat de localisation ou de plan d’architecte avec ces mesures. Elle n’a reçu aucune mesure quant au niveau du sol, du plancher ou de l’élévation du trottoir et le fonctionnaire n’a pas exigé d’obtenir ces informations. Or, celles-ci étaient nécessaires pour établir le nombre d’étages prévu dans cette demande de permis et pour déterminer si celle-ci était conforme à la réglementation municipale.

Il a déjà été établi par les tribunaux que la faute d’un préposé d’une municipalité dans le cadre de l’exercice de ses fonctions peut entraîner la responsabilité civile de celle-ci. Le critère applicable est celui de la personne diligente et raisonnable placée dans les mêmes circonstances. La bonne foi ne permet pas de déterminer s’il y a eu une faute ou non.

Selon le Tribunal, non seulement l’interprétation de la Ville est erronée, mais elle a été négligente dans le traitement de la demande de permis de construction. Afin d’agir comme une personne diligente et raisonnable dans ces circonstances, les fonctionnaires auraient dû requérir plus d’informations concernant ce projet pour permettre une évaluation plus complète des travaux. En raison de cette faute, la Cour condamne la Ville à payer la somme de 90 000$ à Mme Stevens.

Les conclusions de ce jugement seront peut-être révisées par la Cour d’appel, les défendeurs ayant porté la cause en appel[1]. Toutefois, une leçon importante doit être tirée de cette affaire. Il est primordial que le préposé d’une municipalité ait en main tous les documents et toutes les informations nécessaires pour analyser une demande de permis, plus particulièrement une demande de permis de construction. Il ne doit pas hésiter à les exiger afin de prendre une décision juste et éclairée en fonction de sa réglementation municipale.

[1] 2019 QCCS 2540 ; La décision a été portée en appel par la Ville (500-09-028507-192) et par les défendeurs (500-09-028508-190). Toutefois, au moment d’écrire cet article, la Cour d’appel n’avait pas rendu de décision.