Les programmes de vidange de fosses septiques obligatoires : de possibles changements à prévoir ?
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Le programme de vidange de fosses septiques de la Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac fait présentement l’objet d’un débat judiciaire dans l’affaire Séguin c. Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac[1]. La Cour supérieure a déclaré inopérant le règlement à ce sujet et a confirmé le principe selon lequel les pouvoirs réglementaires d’une municipalité en matière d’environnement sont limités par l’article 118.3.3 de la Loi sur la qualité de l’environnement[2].
- Les faits
La Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac a adopté le Règlement 06-2015 concernant la vidange des fosses septiques. Par ce règlement, la Municipalité a décidé de se charger elle-même de la vidange de fosses septiques sur son territoire, le règlement prévoyant ainsi un programme de vidange de fosses septiques qui confie obligatoirement et exclusivement les opérations à un entrepreneur désigné.
Or, le Règlement sur l'évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées[3], adopté par la province en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, prévoit au niveau provincial d’autres normes quant à la vidange des fosses septiques. Notamment, ses dispositions impliquent que la vidange doit être effectuée à certaines fréquences, plutôt qu’à une période fixe, et que l’opération est la responsabilité du propriétaire.
La Cour supérieure devait ainsi décider, en appel d’une décision de la Cour municipale de Deux-Montagnes[4], si la Municipalité pouvait validement adopter un tel règlement.
- L’application du règlement municipal
Il va de soi que la protection de l’environnement est au cœur des compétences des municipalités québécoises[5]. C’est d’ailleurs sur ce rappel que la Cour supérieure entame son analyse du dossier. Par contre, la Cour rappelle que les problèmes environnementaux dépassent « souvent les limites territoriales d’une municipalité et il importe d’assurer une certaine cohésion à l’échelle du territoire du Québec ».
De façon générale, rappelons que la Cour suprême a confirmé le principe voulant que, de la même manière que les lois provinciales sont inopérantes lorsqu’elles entrent en conflit avec une loi fédérale valide, les règlements municipaux soient eux-mêmes inopérants lorsqu’ils entrent en conflit avec une loi provinciale valide[6]. Il doit alors y avoir un « conflit réel et direct » entre les deux dispositions, en ce sens que « l’un des textes impose ce que l’autre interdit ». L’exercice d’identifier la présence, ou non, d’un tel conflit sera effectué par le tribunal devant lequel sera porté une contestation du règlement municipal. Par exemple, suivant l’article 3 de la Loi sur les compétences municipales, une disposition d’un règlement adopté par une municipalité en vertu de cette loi ne sera inopérante que si elle est inconciliable avec celle d’un règlement du gouvernement.
Or, l’article 118.3.3 de la Loi sur la qualité de l'environnement[7] stipule que tout règlement pris en vertu de celle-ci prévaut sur tout règlement municipal portant sur le « même objet », à moins que le règlement municipal n’ait été approuvé par le ministre de l’Environnement, auquel cas, le règlement municipal prévaut dans la mesure que détermine le ministre. Le Règlement sur l'évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées[8] prévoit diverses normes d’installation, de fonctionnement et d’entretien des fosses septiques.
Pour déterminer si le règlement municipal touchant à des normes environnementales a le « même objet » que le règlement provincial, il faut déterminer s’il touche la même chose, soit lorsque sa finalité est identique à celle du règlement provincial[9]. Le fait que le règlement municipal soit conciliable avec le Règlement sur l'évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées n’importe pas.
Toutefois, le Règlement sur l'évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées stipule, à l’article 88, que son exécution est confiée aux municipalités, sauf dans le cas où un règlement municipal portant sur « l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées » a été approuvé par le ministre en vertu de l’article 118.3.3 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Ainsi, la Cour supérieure s’est demandé si le règlement attaqué ne visait que la mise en œuvre du règlement provincial. La réponse de la Cour a été négative ; le règlement municipal prévoit plutôt un programme particulier de vidange des fosses septiques qui comporte des normes et des exigences non prévues au règlement provincial, incluant une période fixe de vidange et l’exécution exclusive des travaux par un entrepreneur désigné.
De ce fait, comme le règlement municipal diverge et va au-delà du règlement provincial tout en ayant le même objet, la Cour a déclaré inopérant et sans effet le règlement municipal, à défaut d’une autorisation ministérielle[10]. Cette décision a toutefois été portée en appel et fera l’objet d’un débat judiciaire des plus intéressants[11]. Il sera important de suivre le dénouement de cette affaire puisque plusieurs municipalités pourraient être affectées et pourraient devoir revoir leur réglementation à ce sujet.
- Conclusion
Cette récente décision rappelle celle de la Cour supérieure rendue en 2018 dans l’affaire Municipalité de Lac-Beauport c. Communauté métropolitaine de Québec[12]. Dans cette affaire, la CMQ était venue, notamment, de revoir les exigences en matière d’installations septiques pour certains secteurs de son territoire. La Cour a précisé qu’il importe peu que l’autorité règlementaire municipale considère que le règlement adopté par le législateur à l’échelle provinciale ne permette pas de répondre à ses préoccupations davantage locales. Si les deux règlements portent sur le même objet, le règlement municipal est inopérant puisque cet objet est, de ce fait, soustrait à son autorité.
Ainsi, relativement aux sujets qui découlent de la Loi sur la qualité de l’environnement, la décision du gouvernement provincial de réglementer sur un sujet, même de façon générale, prime sur tout règlement municipal portant sur le même objet.
[1] 2022 QCCS 1095. Cette décision fut rendue le 28 mars 2022 par le Juge Alexandre Boucher.
[2] RLRQ, c. Q-2.
[3] RLRQ, c. Q-2, r. 22.
[4] Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac c. Séguin, 2020 QCCM 97.
[5] Art. 4, par. 4 de la Loi sur les compétences municipales, RLRQ, c. C-47.1.
[6] Spraytech, Société d’arrosage c. Ville de Hudson, 2001 CSC 40.
[7] RLRQ, c. Q-2.
[8] RLRQ, c. Q-2, r. 22.
[9] Saint-Michel Archange (Municipalité) c. 2419-6388 Québec inc., 1992 CanLII 2888, p. 22
[10] La Cour supérieure casse ainsi les déclarations de culpabilité prononcées contre les appelants, car nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction en vertu d’un texte inopérant et sans effet : R. c. Lloyd, 2016 CSC 13, par. 16.
[11] 2022 QCCA 917.
[12] 2018 QCCS 929.
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