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Le 2 novembre dernier, trois juges de la Cour d’appel ont unanimement confirmé un jugement de la Cour supérieure ayant conclu à la validité des dispositions du règlement de zonage de l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce[1]. Ces dispositions ont pour effet de limiter les zones où peuvent être implantés de nouveaux établissements de restauration rapide. L’arrêt aborde en d’autres mots le pouvoir général de zonage en vertu de l’article 113 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[2] ainsi que divers arguments subsidiaires quant à la validité des dispositions en litige.
Depuis le début des années 2010, une équipe de travail mandatée par l’arrondissement CDN-NDG s’est penchée sur divers objectifs visant à favoriser le développement d’un environnement propice à la santé et au bien-être de sa population. Ainsi, s’appuyant sur des rapports de l’Institut national de santé publique du Québec, l’équipe propose certaines modifications réglementaires visant, entre autres, à éloigner les établissements de restauration rapide des écoles. À cette fin, un nouvel usage est intégré au règlement de zonage de l’arrondissement CDN-NDG :
« Restaurant rapide » : établissement de restauration dont les aliments sont servis majoritairement dans des contenants, emballages ou assiettes jetables, lorsqu’ils sont consommés sur place, et où il n’y a aucun service aux tables.
En premier lieu, nous retenons que la Cour d’appel confirme qu’il s’agit bel et bien d’une opération de zonage et que la distinction entre restauration rapide et autres établissements de restauration est valide. En effet, les juges reconnaissent qu’il est raisonnable de concevoir la restauration rapide comme une activité commerciale présentant des caractéristiques qui lui sont propres. Or, déterminer sur quelle partie du territoire différentes activités peuvent être exercées représente justement l’une des composantes clés du pouvoir de zoner que l’article 113 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme confère aux municipalités.
De plus, la plus haute Cour québécoise décide que la municipalité ne commet pas un détournement de pouvoir lorsque, au moment de zoner, elle tient compte de finalités telles que la promotion de saines habitudes de vie, au même titre qu’elle le fait lorsqu’elle tient compte de finalités telles que la protection de l’environnement, la sauvegarde du patrimoine historique, l’esthétisme ou encore la restriction du bruit ou de la circulation.
En second lieu, la Cour d’appel rejette les divers arguments subsidiaires plaidés par les appelants quant à la validité des dispositions attaquées. D’abord, l’argument quant à l’aspect discriminatoire de celles-ci est rejeté en ce que la restauration rapide représente réellement une activité commerciale présentant des caractéristiques propres à celles attribuables à d’autres restaurants. Puis, les juges mentionnent que les dispositions ne sont pas irrationnelles en ce qu’il est de connaissance judiciaire que les établissements de restauration rapide offrent de la nourriture dont la « valeur nutritive est généralement faible et dont la consommation régulière contribue à augmenter le risque d’obésité ». Finalement, les dispositions ne sont pas imprécises puisqu’elles se portent à un exercice interprétatif qui n’a rien d’exceptionnel et qui peut aisément être effectué par les tribunaux à l’aide de la méthode moderne d’interprétation.
Nous retenons également que l’arrêt Restaurants Canada reconnaît à nouveau un large pouvoir discrétionnaire aux conseils municipaux dans l’adoption de leur réglementation de zonage et précise que le pouvoir de révision des tribunaux en la matière est limité. Techniquement, le critère de révision des décisions du conseil est celui de la décision raisonnable et ainsi, avant d’intervenir, les tribunaux devront apprécier le processus ayant conduit à l’adoption du règlement, reconnaître que les administrations municipales forment des institutions démocratiques imposant la retenue judiciaire, tenir pour acquis que les élus font intervenir toute une gamme de considérations non juridiques dans leurs décisions, notamment sur les plans social, économique et politique, pour finalement se demander si les dispositions réglementaires attaquées font partie de la gamme des décisions que peut prendre un conseil municipal raisonnable. Ainsi, cette décision s’inscrit dans la continuité de l’application des enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Vavilov[3] en matière contrôle judiciaire. Cette tendance confirme l’interprétation large des pouvoirs municipaux.
En conclusion, cet arrêt confirme le pouvoir des municipalités d’intervenir en matière de saines habitudes de vie, plus particulièrement quant aux habitudes alimentaires des jeunes, en plus de reconnaître clairement un large pouvoir discrétionnaire aux municipalités quant à l’adoption de leur réglementation d’urbanisme.
[1] 2021 QCCA 1639.
[2] RLRQ, c. A-19.1.
[3] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.
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