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Le milieu municipal est frappé de plein fouet par la pandémie de coronavirus. De nombreux facteurs affectent négativement les finances municipales : réduction de la plupart des revenus municipaux ou encore déficits accrus des réseaux de transport collectif.
Pour passer à travers une telle crise sans imposer immédiatement des contribuables fragilisés par les soubresauts économiques, les municipalités pourraient mettre de côté le dogme du déficit zéro et consolider leur déficit via un emprunt.
Les lois municipales prévoient déjà cet instrument et le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) entend les doter d’outils additionnels par le dépôt du Projet de loi 67. En vertu de ce projet de loi, les municipalités pourraient, sans l’autorisation du MAMH, emprunter dans leur fonds général ou leur fonds de roulement afin de financer des dépenses attribuables à la pandémie (art. 129). L’autorisation du MAMH demeurerait nécessaire pour les autres emprunts (art. 130).
Obligation de budgets équilibrés
En principe, le législateur québécois a imposé aux organismes municipaux l’obligation de produire des budgets équilibrés (art. 954 du Code municipal du Québec; art. 474 de la Loi sur les cités et villes). Cette obligation ne vaut que pour le budget, un exercice de planification, et ne signifie pas que les comptes doivent être équilibrés à la fin d’une année financière.
Les lois municipales prévoient des solutions lorsqu’une municipalité réalise, en cours d’année, que ses dépenses excéderont ses revenus. Dans un tel cas, le législateur donne la possibilité d’adopter un budget supplémentaire imposant sans délai une taxe spéciale pour combler le déficit anticipé (art. 957.1 à 957.3 C.m.; art. 474.4 à 474.6 L.c.v).
Dans le contexte de la crise actuelle, il est illusoire d’avoir recours à une taxe spéciale pour équilibrer les comptes de la municipalité. Et pour cause, ajouter des prélèvements fiscaux additionnels risquerait de ralentir une reprise économique déjà assez lente. Il paraît également irréaliste de simplement reporter le déficit à l’année 2021, et d’y augmenter massivement les taxes, bien que les lois municipales permettent aussi cette façon de faire (art. 957.4 C.m.; art. 474.7 L.c.v.).
Consolider le déficit par un emprunt
Les lois municipales permettent, lors de l’année financière suivant un déficit, de consolider celui-ci par le biais d’un emprunt (art. 957.4 C.m.; art. 474.7 L.c.v.). Cet emprunt doit être autorisé par règlement, mais contrairement aux autres règlements d’emprunt, il n’a pas à faire l’objet d’une approbation par les personnes habiles à voter; seule l’approbation du MAMH suffit (art. 3 de la Loi sur les dettes et emprunts municipaux). Le recours à l’emprunt pour consolider le déficit des municipalités en 2020 ou 2021 sera vraisemblablement autorisé par le MAMH, quoique la discrétion reste entière.
Dans le projet de loi 67, celui-ci prévoit explicitement la possibilité, à l’article 128, de permettre aux municipalités d’emprunter pour financer les dépenses attribuables à la pandémie de COVID-19 qu’elles engageraient en 2021. Il serait même possible de compenser une diminution de revenus attribuable à la pandémie, mais cette diminution de revenus devrait être prévue dans le budget 2021.
Par ailleurs, si la municipalité souhaite emprunter à même des deniers disponibles dans son fonds général ou son fonds de roulement et qu’elle prévoit un terme maximum de 10 ans, l’autorisation du MAMH ne serait pas nécessaire (article 129 du Projet de loi 67).
Alors que la Loi sur les dettes et emprunts municipaux permet des emprunts sur un terme pouvant aller jusqu’à 40 ans (art. 1), il faut savoir que la politique ordinaire du MAMH est d’autoriser les emprunts visant à consolider un déficit uniquement sur un terme très court (3 à 5 ans).
Si ce terme peut sembler raisonnable en temps normal, il apparaît un peu court dans le contexte de la pandémie actuelle. En effet, vu l’ampleur des déficits anticipés et la lente reprise à prévoir dans certains secteurs (transport collectif, tourisme, restauration, culture, etc.), il faut s’attendre à ce que les finances municipales soient encore sous tension lors des prochaines années fiscales. En outre, l’investissement privé attendra vraisemblablement quelques années avant d’atteindre son niveau d’avant la pandémie.
De même, l’assouplissement actuel de la politique monétaire par la Banque du Canada devrait permettre aux municipalités québécoises d’emprunter à des taux d’intérêts relativement bas. Il est donc intéressant de voir le MAMH ouvrir la porte à des emprunts pour combler un déficit ayant un terme plus long (ex. 10 ans), question d’étaler les impacts de la crise actuelle sur un cycle économique.
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