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Attention à vos règlements sur les installations septiques

Sep. 2023
  • Publications
  • Droit municipal

Même si les municipalités peuvent adopter des règlements sur les installations septiques, elles doivent être prudentes lorsque vient le temps de le faire, étant donné qu’un règlement peut être déclaré inopérant pour cause qu’il porte sur le même objet qu’un règlement provincial.

La Cour d’appel du Québec a rappelé le principe dans son récent arrêt Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac c. Séguin[1]. Le 19 juillet 2023, la Cour d’appel a en effet confirmé une décision de la Cour supérieure de déclarer inopérants deux articles du règlement de la Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac concernant la vidange des fosses septiques[2].

Cette déclaration d’inopérabilité prend appui sur l’article 118.3.3 de la Loi sur la qualité de l’environnement[3], lequel prévoit qu’un règlement adopté en vertu de cette loi prévaut sur tout règlement municipal portant sur le même objet, à moins que ce dernier n’ait été approuvé par le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.

La Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac avait prévu dans son règlement une obligation pour le citoyen de faire vider sa fosse septique par l’entrepreneur sélectionné par la Municipalité lors de la période de vidange systématique (article 16) et une interdiction pour toute autre personne ou entreprise non mandatée par la Municipalité de procéder à la vidange d’une fosse septique (article 19). Voici le texte de ces articles :

 

ARTICLE 16 VIDANGE D'URGENCE OU HORS DE LA PÉRIODE DE VIDANGE SYSTÉMATIQUE

Toute vidange de fosse septique devant être exécutée à toute autre occasion que celle de la vidange systématique édictée au présent règlement doit être faite par l'Entrepreneur. Cette vidange sera facturée par l'Entrepreneur au propriétaire de la fosse septique selon le prix établi dans la tarification.

Le fait de faire procéder à la vidange d'une fosse septique autrement que dans le cadre du service décrété au présent règlement, n'exempte pas de l'obligation de faire vider sa fosse septique lors de la période de vidange systématique.

[…]

ARTICLE 19 PERSONNE OU ENTREPRISE NON MANDATÉE

Aucune personne ou entreprise, non mandatée officiellement par la Municipalité, ne peut procéder à la vidange d'une fosse septique située sur le territoire de la Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac.

La Cour d’appel a considéré que les deux règlements portent sur le même objet, « à savoir l’entretien des systèmes de traitement des eaux des résidences isolées » (paragraphe 30).

Pour la Cour d'appel, il y a un problème à ce qu’un citoyen qui se conforme totalement au Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées[4] peut commettre une infraction au règlement municipal en faisant vidanger sa fosse septique par une entreprise qui n’a pas été mandatée par la Municipalité ou encore en dehors de la période de vidange systématique (paragraphe 37). Cela fait dire à la Cour que le règlement municipal est plus contraignant que la réglementation provinciale (paragraphe 38).

Ainsi, comme le règlement portait sur le même objet qu’un règlement provincial et que la Municipalité n’avait pas obtenu l’autorisation du ministre, le règlement a donc été jugé inopérant. Notez qu’il n’a pas été jugé invalide, étant donné que le règlement pourrait être valide si le ministre donnait son accord.

Malgré sa décision, la Cour d’appel ouvre une piste importante pour les municipalités qui souhaitent réglementer sur le même objet qu’un règlement ministériel. En effet, la Cour souligne que l’article 118.3.3 de la Loi sur la qualité de l’environnement permet aux municipalités de réglementer sur un même objet « lorsque le règlement municipal vise la mise en œuvre des dispositions d’un règlement pris en vertu de la présente loi ».

Ainsi, la Cour considère que l’adoption de cet article en 2017 est venue changer l’état du droit en élargissant la possibilité pour les municipalités d’adopter certains règlements portant sur le même objet qu’un règlement adopté en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement sans devoir obtenir l’accord du ministre.

La décision de la Cour d’appel dans Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac c. Séguin ouvre donc une certaine porte pour les municipalités qui souhaitent réglementer sur le même objet qu’un règlement provincial, à condition que cette réglementation ne vise simplement la mise en œuvre de ce dernier. Prudence est toutefois de mise avant d’adopter un tel règlement.

 

[1] 2023 QCCA 95.

[2] Municipalité de Saint-Joseph-du-Lac c. Séguin, 2023 QCCA 950.

[3] RLRQ, c. Q-2.

[4] RLRQ, c. Q-2, r.22