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La récente décision de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre ouvre la voie aux municipalités qui souhaiteront utiliser l'écofiscalité pour réduire la pollution sur leur territoire. Les municipalités pourront établir des régimes de redevances réglementaires rapportant plus d'argent que le coût du régime, si la redevance en elle-même vise à réduire la pollution.
Depuis 2017, les municipalités ont le pouvoir de créer des régimes de redevances réglementaires dans les domaines relevant de leur compétence (articles 1000.6 et suivants du Code municipal du Québec et 500.6 de la Loi sur les cités et villes). Ces régimes peuvent porter sur la protection de l'environnement, puisqu'il s'agit d'une matière de compétence municipale (Loi sur les compétences municipales, art. 4 al. 1 (4°)).
On peut ainsi imaginer qu'une municipalité choisisse d'imposer un régime de redevances réglementaires sur différents types de pollution relevant de sa compétence. On pourrait penser à des prélèvements pour limiter l'émission de polluants sur le territoire. Une municipalité pourrait aussi imposer une redevance sur l'utilisation de certains produits générant de la pollution (pour autant qu'il ne s'agisse pas d'un produit exempté de redevances). Les municipalités disposent déjà d'outils intéressants, bien qu'encore peu utilisés.
Par contre, il existait une controverse en jurisprudence quant à la possibilité qu'un régime de redevances réglementaires rapporte plus de revenus que le coût du régime en lui-même, lorsqu'il vise à réduire un comportement nuisible. En effet, un tel régime pourrait s'apparenter à une taxe. Or, les municipalités, sont constitutionnellement limitées dans leur champ de taxation aux seules taxes " directes " et certaines matières ne peuvent faire l'objet que de redevances réglementaires, puisque le pouvoir de les taxer a été exclus par le législateur (ex. les biens et services).
Dans le Renvoi relatif à la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre[1], le juge en chef Richard Wagner a mis fin à la controverse en décidant que " lorsque le prélèvement constitue en soi un mécanisme de réglementation qui favorise la conformité au régime ou la réalisation de l'objectif de celui-ci, le lien entre le régime de réglementation et la redevance réside dans le prélèvement lui-même " (par. 216).
Le juge en chef conclut du même souffle que les prélèvements ne sont pas limités au recouvrement des coûts du régime réglementaire et qu'il est possible de verser les revenus pour d'autres fins que la réalisation des objectifs du régime (par 216).
Dans le cas des municipalités québécoises, les lois municipales (art. 1000.6 C.m. et 500.6 L.c.v.) exigent que l'argent prélevé par un régime de redevances réglementaires soit versé " dans un fonds destiné exclusivement à [le] recevoir et à contribuer au financement du régime ". Les lois québécoises sont donc plus restrictives que l'interprétation que fait la Cour suprême des régimes de redevances que pourraient adopter les municipalités si Québec le permettait.
Ceci étant dit, la décision de la Cour suprême peut aider de plusieurs façons les municipalités désireuses de créer des redevances réglementaires à caractère environnemental. D'abord, en reconnaissant que les redevances peuvent excéder les coûts du régime, la Cour permet la création d'un régime qui réalise des surplus, en autant que ces surplus demeurent dans un fonds spécial ne pouvant servir qu'aux coûts du régime. Cela permet donc de réduire les risques d'une contestation dans le cas où une redevance génère des surplus, tant que ceux-ci demeurent dans un fonds dédié.
De plus, en élargissant les pouvoirs constitutionnels d'établir des redevances réglementaires en matière d'écofiscalité, la Cour suprême envoie un signal fort au législateur québécois. Dans un contexte où les revenus municipaux dépendent encore beaucoup trop de la taxe foncière, il pourrait être opportun que les municipalités réclament de Québec que leurs lois soient amendées pour refléter les développements de la jurisprudence.
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