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Les contrats, la défense de force majeure et la COVID-19 (le nouveau coronavirus)

Avr. 2020
  • Publications
  • Droit des affaires

En cette période de crise liée à la pandémie, les questions sont nombreuses quant aux ramifications juridiques de la pandémie COVID-19. Dans cette publication, l'accent sera mis sur le droit contractuel au Québec. En effet, de nombreuses entreprises sont confrontées à des suspensions de leurs opérations et/ou font face à des problèmes d'approvisionnement dans l'acquisition des matériaux, produits, services ou ressources nécessaires pour opérer. Dans un tel contexte, plusieurs entreprises se questionnent, à savoir quelles sont leurs obligations contractuelles face à l'effet du COVID-19 sur le commerce.

Le Code civil du Québec ("CcQ") prévoit un principe conçu pour répondre à la survenance d'un événement unique imprévisibleirrésistible et extérieur à la partie qui cherche à utiliser la notion, qu'il s'agisse d'un événement naturel (comme une pandémie ou une autre catastrophe naturelle) ou d'origine humaine (comme les grèves ou la guerre) : la "force majeure". Cependant, suivant le principe de la liberté contractuelle, il est toujours important de garder à l'esprit qu'un contrat peut définir à la fois ce qui est considéré comme une force majeure et les effets que la force majeure peut avoir sur les obligations contractuelles des parties.

Force Majeure dans le CcQ

Pour qu'un événement soit qualifié de force majeure en droit civil québécois, il doit répondre à trois critères.

Premièrement, l'événement doit être raisonnablement imprévisible.

Deuxièmement, l'événement doit être irrésistible. Ce critère signifie que l'événement rend l'exécution de l'obligation impossible (que ce soit de façon temporaire ou permanente). Si l'événement ne rend la performance de l'obligation que plus difficile, plus périlleuse ou plus onéreuse, l'événement n'est pas irrésistible. En effet, la performance doit être absolument impossible. Un exemple d'un évènement irrésistible est la tempête de verglas qui a eu lieu au Québec en 1998 où il fut impossible pour les locateurs d'assurer la jouissance des lieux loués. Un autre exemple d'un évènement irrésistible est lorsqu'une modification à un règlement de zonage a pour effet de rendre illégale l'obligation qui devait être fournie. Il convient toutefois de noter que ce critère peut également être satisfait en prouvant que la partie bénéficiaire de l'obligation n'aurait absolument pas pu bénéficier de l'exécution de l'obligation due à l'événement.

Troisièmement, l'événement doit être extérieur aux parties. Pour ce dernier critère, l'événement doit être hors du contrôle de la partie invoquant la défense de la force majeure.

Effets de la Force Majeure dans le CcQ

 

Si une partie à un contrat invoque avec succès une force majeure comme moyen de défense pour inexécution, les questions qui subsistent sont les suivantes : quels sont les effets de cette défense sur l'exécution du contrat et quels sont les recours et obligations que l'autre partie (ou les autres parties) peuvent avoir.

Les réponses à ces questions varient en fonction de l'importance de l'obligation qui ne peut être exécutée et de la durée de l'impossibilité ainsi que du contexte entourant le contrat.

Les effets, fondés sur une évaluation de l'ensemble de ce qui précède, peuvent être de suspendre l'obligation empêchée ou de l'annuler complètement.

Si la force majeure ne fait que suspendre l'exécution, la partie qui devait accomplir l'obligation suspendue doit immédiatement continuer à exécuter l'obligation dès que la force majeure le permet. La partie redevable ne sera alors pas responsable des retards résultant de la suspension de l'obligation.

Si une force majeure annule plutôt une obligation, la partie qui devait accomplir l'obligation annulée est libérée de l'exécution. Le créancier de l'obligation, quant à lui, est également libéré de l'exécution de son obligation corrélative et, si l'obligation a déjà été rendue, une restitution est due.

Clauses divergentes

Il est important de noter que les contrats peuvent définir ce qui peut être qualifié comme constituant une force majeure et les effets liés à une telle situation. Chaque défense de force majeure doit être évaluée au cas par cas dans le cadre de l'analyse du contrat dans son ensemble.

Afin de vous assister dans la recherche des dispositions pertinentes dans vos ententes, nous vous référons aux termes suivants qui se retrouvent souvent dans les contrats et sont souvent comparables au principe de force majeure dans le CcQ:  cas fortuit, catastrophe et événement inévitable et imprévisible.

La présente situation: la pandémie COVID-19

Lorsque l'on considère les critères dans leur ensemble, il semble très probable que la pandémie actuelle pourrait être utilisée comme fondement pour une défense de force supérieure. Cependant, chaque situation doit être évaluée dans le contexte du contrat, en particulier pour déterminer si l'événement est irrésistible.

Si cette pandémie résultait en d'autres vagues de contagion (bien que cette première vague ait pu être imprévisible, certains experts suggèrent que d'autres vagues de contagion pourraient survenir à l'avenir), il est à se demander si ces vagues de contagion futures constitueraient des évènements imprévisibles pour fins de qualification d'une défense de force majeure.

Compte tenu du caractère unique de chaque situation en ce qui concerne l'application potentielle d'une défense de force majeure à l'égard d'un contrat donné, l'équipe de PFD Avocats peut vous conseiller sur vos droits et obligations dans le cadre de la crise actuelle.

Me Stéphane Jetté

Me Stéphane Jetté