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Démolition d’un immeuble luxueux construit sans permis : Jusqu’où va la discrétion du tribunal?

Mar. 2019
  • Publications
  • Droit municipal

Le 15 janvier 2019, l'honorable Danielle Turcotte rendait jugement dans l'affaire Ville de Saint-Sauveur c. Bibeau (2019 QCCS 44) en regard d'un recours en démolition d'une luxueuse résidence construite sans permis sur le territoire de la ville de Saint-Sauveur.

 

Dans cette affaire, il avait été démontré que l'assiette de la construction érigée sur le terrain du défendeur comportait une pente de 44 %, alors que la réglementation d'urbanisme de la Ville limitait la construction d'un bâtiment principal sur une pente maximale de 25 %.

 

Comme conséquence, le défendeur, pour éviter la démolition de sa résidence, demandait au tribunal d'exercer la discrétion que confère l'article 227 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme afin de rejeter la demande de la Ville. Or, la cour a refusé d'exercer sa discrétion étant donné le comportement du défendeur ainsi que de celui de son mandataire.

 

En fait, le défendeur n'avait jamais formulé de demande de permis à la Ville préalablement aux travaux de construction de son bâtiment. Le mandataire, chargé de faire pareille demande, avait de plus suggéré de modifier l'emplacement du bâtiment principal à un endroit autre que celui qui avait été préalablement autorisé par la Ville au plan de lotissement.

 

Ce n'est que plus de trois mois après le début des travaux qu'un inspecteur de la Ville constatait la construction du bâtiment et émettait alors un avis d'arrêt des travaux. Or, malgré cet avis ainsi que d'autres émis par la suite, le défendeur, rassuré par son mandataire, décidait de continuer les travaux et de finir son bâtiment.

 

C'est ainsi que le comportement du défendeur, joint à celui de son mandataire qui, selon la juge, ne pouvait ignorer qu'un permis était requis, a été jugé négligent et téméraire, ce qui a empêché l'exercice de la discrétion conférée par l'article 227 de la Loi.

 

De même, la juge considère comme majeure la contravention du bâtiment au règlement de la Ville. La question des pentes relève de l'environnement et vise à éviter l'érosion en flanc de montagne. La question de l'esthétique des lieux, à la suite de la démolition, n'est pas pertinente à l'exercice de la discrétion par le tribunal.

 

Ainsi, mettre une municipalité devant un fait accompli ne milite pas en faveur de l'exercice de la discrétion par un tribunal. L'entière bonne foi du citoyen est un prérequis essentiel en cette matière.