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Comment éviter la contrainte du déficit zéro

Juin. 2020
  • Publications
  • Droit municipal

Ce texte porte sur la gestion des déficits municipaux en période de pandémie. Il vous propose un projet de règlement visant à consolider un déficit accumulé par le biais d'un emprunt.

Un modèle de règlement similaire sera présenté dans le cadre du recueil de modèles de règlement que nous publions en collaboration avec la Fédération québécoise des municipalités et dont vous trouverez de plus amples informations ici.

Comment éviter la contrainte du déficit zéro

Comme l'ensemble de la société québécoise, le milieu municipal est frappé de plein fouet par la pandémie de coronavirus (COVID-19). De nombreux facteurs affectent négativement les finances municipales : baisse des revenus de taxes foncières, déficits accrus des réseaux de transport collectif, réduction des revenus tirés des mutations immobilières ou encore diminution des revenus de tarification.

Pour passer à travers une telle crise sans imposer immédiatement des contribuables fragilisés par la crise économique, les municipalités pourraient mettre de côté le dogme du déficit zéro et consolider leur déficit via un emprunt. Le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation devrait faciliter le recours à cette procédure durant la crise actuelle.

Obligation de budgets équilibrés

En principe, le législateur québécois a imposé aux organismes municipaux de produire des budgets équilibrés (art. 954 du Code municipal du Québec; art. 474 de la Loi sur les cités et villes). Cette obligation ne vaut que pour le budget, un exercice de planification, et ne signifie pas que les comptes doivent être équilibrés à la fin d'une année financière.

Les lois municipales prévoient des solutions lorsqu'une municipalité réalise, en cours d'année, que ses dépenses excéderont ses revenus. Dans un tel cas, le législateur donne la possibilité d'adopter un budget supplémentaire imposant sans délai une taxe spéciale pour combler le déficit anticipé (art. 957.1 à 957.3 C.m.; art. 474.4 à 474.6 L.c.v).

Dans le contexte de la crise actuelle, il est illusoire d'avoir recours à une taxe spéciale pour équilibrer les comptes de la municipalité. Et pour cause, ajouter des prélèvements fiscaux additionnels risquerait de ralentir une reprise économique déjà assez lente. Il est également illusoire de simplement reporter le déficit à l'année 2021, et d'y augmenter massivement les taxes, bien que les lois municipales permettent aussi cette façon de faire (art. 957.4 C.m.; art. 474.7 L.c.v.).

Consolider le déficit par un emprunt

Les lois municipales permettent, lors de l'année financière suivant un déficit, de consolider celui-ci par le biais d'un emprunt (art. 957.4 C.m.; art. 474.7 L.c.v.). Cet emprunt doit être autorisé par règlement mais contrairement aux autres règlements d'emprunt, il n'a pas à faire l'objet d'une approbation par les personnes habilitées à voter; seule l'approbation de la ministre des Affaires municipales et de l'Habitation suffit (art. 3 de la Loi sur les dettes et emprunts municipaux).

Le recours à l'emprunt pour consolider le déficit des municipalités en 2020 sera vraisemblablement autorisé par le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation. Toutefois, alors que la Loi sur les dettes et emprunts municipaux permet des emprunts sur un terme pouvant aller jusqu'à 40 ans (art. 1), la politique du ministère est d'autoriser les emprunts visant à consolider un déficit uniquement sur un terme très court (3 à 5 ans).Si ce terme peut apparaître raisonnable en temps normal, il apparaît un peu court dans le contexte de la pandémie actuelle. En effet, vu l'ampleur des déficits anticipés et la lente reprise à prévoir dans certains secteurs (transport collectif, tourisme, culture, etc.), il faut s'attendre à ce que les finances municipales soient encore sous tension lors des prochaines années fiscales. En outre, l'investissement privé attendra vraisemblablement quelques années avant d'atteindre son niveau d'avant la pandémie.

De même, l'assouplissement actuel de la politique monétaire par la Banque du Canada devrait permettre aux municipalités québécoises d'emprunter à des taux d'intérêts relativement bas. Le ministère des Affaires municipales et de l'Habitation doit donc envisager, à titre exceptionnel, d'autoriser des emprunts pour combler un déficit ayant un terme plus long (10 à 20 ans), question d'étaler les impacts de la crise actuelle sur un cycle économique. Un tel changement de cap de la part du ministère permettrait d'éviter de surcharger les contribuables en pleine crise économique.

En terminant, les notes explicatives au règlement ainsi que le règlement d'emprunt déficit 2020 sont disponibles.

Pour toute question relative à ces affaires, n'hésitez pas à communiquer avec les membres de l'équipe de droit municipal de PFD Avocats.