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Baux commerciaux: Résiliation d’un bail et expulsion d’un locataire sans intervention judiciaire

Jan. 2020
  • Publications
  • Litige commercial et modes privés de règlement

Beaucoup de bailleurs insèrent dans leurs baux commerciaux une clause qui prévoit qu'en cas de défaut du locataire, ils peuvent expulser le locataire sans obtenir au préalable une décision d'un tribunal. En d'autres mots, avec une telle clause, les propriétaires peuvent expulser un locataire commercial simplement parce qu'ils considèrent qu'un locataire est en défaut.

En effet, la Cour d'appel du Québec a reconnu que ces clauses étaient valables, mais a néanmoins averti les bailleurs d'être prudents dans de telles expulsions unilatérales, car ils pourraient s'exposer à des condamnations pour dommages-intérêts si un tribunal décidait ultérieurement que l'expulsion a été abusive ou non fondée.

Si une telle clause devait être insérée dans un bail commercial, elle aurait des conséquences et des implications très différentes pour un bailleur comme pour un locataire.

En effet, cette clause donne un sentiment de sécurité supplémentaire au bailleur, lui permettant de résilier le bail sans qu'il ne soit nécessaire d'obtenir l'autorisation d'un tribunal. En appliquant cette clause, le bailleur peut, sans trop de délais, réacquérir l'espace loué en cas de défaut en vertu du bail et le relouer à un nouveau locataire. Sans une telle clause, le bailleur doit nécessairement demander aux tribunaux une ordonnance légale confirmant la résiliation du bail et le droit du propriétaire d'expulser le locataire, ce qui peut prendre jusqu'à un an et demi ou plus avant d'obtenir un jugement.

Cela dit, il existe un risque important pour le bailleur de faire usage d'une telle clause sans l'intervention des tribunaux. À la suite d'une expulsion, par exemple, un locataire peut amener une procédure devant les tribunaux et demander des dommages-intérêts si le tribunal conclut que l'expulsion du locateur par le bailleur a été fait sans fondement ou a été abusive ou de mauvaise foi. Dans de telles circonstances, les tribunaux peuvent accorder des dommages-intérêts substantiels, car ces expulsions peuvent causer un préjudice considérable à la capacité opérationnelle d'un locataire.

Au minimum, si un bailleur souhaite procéder de cette manière, il doit envoyer un avis écrit au locataire dans un délai raisonnable avant l'expulsion envisagée, décrivant les manquements et son intention de résilier le bail et d'expulser le locataire. Naturellement, il doit également s'assurer que le locataire est en fait en défaut d'une disposition matérielle du bail. Dans les cas applicables, le bailleur doit également accorder au locataire un délai raisonnable, par une mise en demeure, pour remédier à un défaut donné (si le défaut est susceptible d'être corrigé) afin d'éviter la résiliation du bail.

Quant au locataire, cette clause peut être particulièrement préjudiciable. Même si le locataire peut saisir les tribunaux après coup pour demander une condamnation déclarant l'expulsion du propriétaire abusive ou irrégulière, cela place le locataire dans une situation beaucoup plus difficile; le simple droit du propriétaire de procéder à une expulsion sans ordonnance du tribunal peut obliger le locataire à faire beaucoup plus de compromis dans tout différend qu'il pourrait avoir avec le propriétaire, qu'il ne l'aurait fait si une telle clause n'avait pas été acceptée. De plus, quantifier ces dommages après coup est plus difficile et oblige le locataire à faire la preuve de tous ces dommages et prouver qu'ils sont directement reliés à la faute du bailleur.

Si vous êtes actuellement impliqué dans la négociation d'un bail commercial ou si vous devez composer avec l'application d'une telle clause, nous serons ravis de vous aider.