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Aperçu des récentes modifications à la Loi sur l’équité salariale

Juin. 2019
  • Publications
  • Droit du travail et de l’emploi

Un arrêt récent de la Cour suprême du Canada (2018 CSC 17) s'est intéressé au caractère discriminatoire de certaines dispositions de la Loi sur l'équité salariale, (ci-après la "L.E.S"), concernant plus particulièrement l'évaluation du maintien de l'équité salariale.

Les dispositions en cause examinées par la Cour suprême à l'occasion de ce pourvoi prévoyaient qu'un employeur devait réaliser un exercice du maintien de l'équité salariale tous les cinq ans.

Au terme de cet exercice, il revient à l'employeur de vérifier si l'équité salariale a été maintenue dans les cinq dernières années et, dans la négative, de déterminer les ajustements salariaux requis pour rétablir l'équité salariale. Les ajustements salariaux déterminés au terme de l'exercice sont ensuite appliqués pour l'avenir. Ainsi, la L.E.S., telle qu'examinée par la Cour suprême, ne prévoyait pas le paiement rétroactif des ajustements salariaux, à moins que la mauvaise foi de l'employeur ne soit démontrée.

Le plus haut tribunal du pays a jugé cet aspect de la L.E.S. inconstitutionnel en ce qu'il porte atteinte au droit à l'égalité protégé par l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Plus précisément, la Cour suprême a jugé que ce mécanisme de maintien de l'équité salariale a pour effet de perpétuer le désavantage des femmes, alors que les iniquités salariales qui sont apparues au cours de la période de cinq ans entre deux exercices demeurent non corrigées. Cette période constitue donc pour l'employeur, en quelque sorte, une période de grâce durant laquelle les iniquités salariales sont tolérées. En ce sens, le respect de l'équité salariale n'est que ponctuel.

En outre, la Cour suprême soulignait que l'absence de renseignements à l'affichage, quant au moment où les iniquités salariales sont apparues au cours de la période de cinq ans, privait les salariés d'un élément qui leur permettrait d'établir la mauvaise foi de l'employeur, alors qu'il s'agit là de la seule occasion où le versement rétroactif des ajustements salariaux peut être imposé par la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci?après la "CNESST").

Au terme de son analyse, la Cour suprême devait constater que si la L.E.S. exigeait l'application des ajustements salariaux à compter de la date d'apparition de l'iniquité salariale, plutôt qu'à compter de la date où les résultats de l'exercice du maintien de l'équité salariale sont affichés, il n'y aurait pas d'effet discriminatoire.

Les modifications apportées à la L.E.S. en réaction à cet arrêt

Cet arrêt de la Cour suprême a rapidement trouvé écho dans les travaux parlementaires du gouvernement du Québec et donné lieu à l'adoption de la Loi modifiant la Loi sur l'équité salariale afin principalement d'améliorer l'évaluation du maintien de l'équité salariale (ci-après la "Loi modifiant la L.E.S."), sanctionnée le 10 avril 2019, dont les dispositions visent précisément à éliminer les effets discriminatoires de la L.E.S. identifiés par la Cour suprême.

Ainsi, dorénavant, les ajustements salariaux sont dus à compter de la date de l'évènement les ayant générés, donc rétroactivement. Ces ajustements rétroactifs sont payables sous forme d'un montant forfaitaire, à la date d'affichage des résultats de l'exercice du maintien de l'équité salariale prévu à l'article 76.4 L.E.S. Afin d'atténuer les impacts financiers, la L.E.S. prévoit toutefois la possibilité d'étaler le paiement des ajustements salariaux rétroactifs en quatre versements annuels égaux.

Par ailleurs, afin d'assurer le paiement rétroactif des ajustements salariaux, l'affichage des résultats de l'exercice du maintien de l'équité salariale doit dorénavant indiquer non seulement la liste des évènements ayant généré ces ajustements, mais aussi la date de début de ces évènements et, le cas échéant, la date de fin.

La Loi modifiant la L.E.S. introduit en outre d'autres modifications qui devraient permettre d'assurer une meilleure transparence du processus de maintien de l'équité salariale. À cet effet, on prévoit, entre autres, la mise en place d'un processus de participation pour les employeurs ayant institué un comité d'équité salariale ou dont l'entreprise compte au moins une association accréditée. Au terme de ce processus, les employeurs doivent fournir de la documentation sur les travaux d'évaluation du maintien de l'équité salariale, et les salariés ont également l'occasion de poser des questions et de présenter des observations dans le cadre de mesures de consultation.

Un sommaire de ces mesures de consultation doit d'ailleurs être contenu au premier affichage des résultats, tandis que le second affichage doit faire état, de même, d'un sommaire des renseignements additionnels demandés par les salariés ou par les associations accréditées, de leurs observations présentées et des moyens mis en place par l'employeur pour y répondre.

Nous soulignons finalement que la CNESST a dorénavant l'obligation positive de porter assistance aux salariés désireux de déposer une plainte, et qu'elle mettra des formulaires à cet effet à leur disposition. La CNESST a également le pouvoir de regrouper des plaintes pour la conclusion d'un accord ou la détermination de mesures correctrices.

Il est important de noter, en terminant, que ces modifications à la L.E.S. sont déjà entrées en vigueur et que certaines mesures transitoires sont prévues pour le traitement des plaintes déjà déposées et les exercices de maintien de l'équité salariale en cours.